Le yoga au-delà du tapis – Épisode 3
Quand moins devient plus
Il y a un moment, pendant mon premier séjour en Inde, où j’ai eu cette sensation très nette de respirer pour la première fois depuis longtemps. Ça ne s’est pas passé dans un ashram, ni lors d’une grande méditation… mais dans la petite maison d’une femme que je venais à peine de rencontrer, à Varanasi.
Elle vivait dans une pièce unique, avec son mari et ses deux enfants. Une pièce nue, si ce n’est un petit autel, quelques ustensiles de cuisine en métal étincelants de propreté, et des tapis roulés contre le mur. Je me souviens du sourire qu’elle m’a offert en me servant un simple plat de dahl (lentilles) et de riz, sur une feuille de bananier. J’ai eu honte de ma première pensée : « Elle n’a rien. »
Mais très vite, cette pensée s’est effacée. Elle avait tout : de la présence, de l’attention, de la joie. C’était si clair, si simple. Et moi, avec mon sac trop plein, mon esprit trop chargé, je me suis sentie presque… encombrée.
Se délester pour mieux ressentir
Mais ce qui m’a vraiment fait réfléchir, c’est que cette simplicité n’était pas seulement liée au manque. Un autre jour, j’ai été invitée à déjeuner chez une famille aisée, dans une grande maison impeccablement tenue, lumineuse et calme. Tout y respirait le confort… mais sans ostentation. La table en bois — solide, simple — accueillait quelques plats faits maison, servis avec élégance, mais sans excès. Il y avait de la place pour respirer, pour échanger, pour être présent.
C’est là que j’ai compris que la simplicité n’a rien à voir avec la richesse ou la pauvreté. Elle ne dépend pas des moyens, mais de l’intention. On peut être riche et simple, comme on peut être pauvre et encombré. Tout dépend de la lucidité avec laquelle nous habitons chaque instant de notre vie.
En Inde, j’ai observé ça partout : des gestes simples, des maisons sobres, des rituels du quotidien pleins de sens. Loin du superflu, la vie s’y articule autour de ce qui est nécessaire, mais pas plus. Et cette sobriété ouvre un espace. Elle laisse entrer l’invisible.
J’ai commencé à me demander : Et si la simplicité était une forme de liberté ?
Le yoga, une discipline de l’essentiel
Ce que j’ai compris, avec le temps, c’est que la simplicité n’est pas une privation, mais une puissance. Dans la tradition yogique, on appelle cela aparigraha, le non-attachement (Yoga Sūtra II.39). Ce yama nous invite à ne pas accumuler ce qui n’est pas nécessaire — objets, pensées, désirs, relations toxiques…
Patanjali dit que lorsque ce principe est pleinement intégré, on accède à la connaissance du « pourquoi » de notre vie. Rien que ça. Et je le crois.
Simplicité = clarté. Quand on épure, on voit mieux. On sent mieux. On vit plus juste.
Une sagesse présente aussi dans la Bhagavad Gītā
Dans la Gītā, Krishna ne cesse de ramener Arjuna à la vérité du moment présent, à l’action juste, sans excès. Il enseigne le chemin du milieu, loin des passions et des attachements.
« Celui qui est modéré dans sa nourriture, dans son sommeil, dans ses activités, qui agit avec équilibre, détruit la souffrance. » (Bhagavad Gītā VI.17)
J’ai toujours trouvé ce verset incroyablement actuel. Il parle de modération, mais surtout de mesure. Une mesure qui n’enferme pas, mais qui recentre.
Comment cela transforme notre quotidien
Depuis ce voyage, j’ai simplifié beaucoup de choses. Ma garde-robe, mes placards, mais aussi mes journées, mes attentes, mes habitudes. Ce n’est pas un idéal parfait : parfois je replonge, je surconsomme, je m’éparpille. Mais j’y reviens toujours.
Et tu sais quoi ? Plus je simplifie, plus je me sens vivante.
Quelques pistes concrètes pour intégrer la simplicité au quotidien :
- Pratiquer la gratitude le matin, avant même de sortir du lit.
- Réduire les distractions numériques pour laisser de la place au silence.
- Manger des repas simples, colorés, préparés avec amour.
- Se poser cette question régulièrement : « Est-ce que j’en ai vraiment besoin ? »
- Dire non avec douceur quand c’est juste pour soi.
Sur le tapis : des postures qui invitent à l’épure
Quand je veux revenir à l’essence, je choisis des postures dépouillées, sans fioriture. Quelques-unes que j’aime particulièrement :
- Tadasana, la posture de la montagne : droite, stable, ancrée.
- Sukhasana, la posture facile, assise simplement, sans chercher la performance.
- Viparita Karani, les jambes contre un mur, une invitation au lâcher-prise, au calme.
Ces postures me rappellent que le yoga, c’est moins faire que être. Moins enchaîner que ressentir. Moins forcer que écouter.

Ce que je retiens
La simplicité n’est pas une tendance minimaliste ou un mot à la mode. C’est une voie vers la paix intérieure. Elle permet d’alléger le mental, de purifier le cœur, de faire de la place à l’essentiel.
Et dans ce monde qui va si vite, choisir la simplicité, c’est parfois un acte de résistance douce, une manière de rester ancrée, lucide, et profondément humaine.
✨ À méditer :
« L’abondance ne vient pas de ce que l’on possède, mais de ce que l’on sait apprécier. »
🧘♀️ Postures à explorer :
- Tadasana (ancrage)
- Sukhasana (assise méditative)
- Viparita Karani (repos et clarté)